Échanges plasmatiques


TECHNIQUE DES ECHANGES PLASMATIQUES

L'échange plasmatique consiste en l'élimination d'une quantité importante de plasma remplacée de façon concomitante par des solutions de substitution de nature colloïdale. L'extraction du plasma fait appel à deux principes différents, l'un basé sur une centrifugation du sang qui peut être continue ou discontinue, l'autre sur une filtration à travers une membrane microporeuse. Le plasma extrait est remplacé par des fluides de substitution et le plasma du patient est éliminé.

Moniteurs de séparation de plasma

Selon la technique de séparation il s'agit de séparateurs de cellules ou de reins capillaires.

Il existe deux types de séparateurs de cellules selon que le plasma est séparé par centrifugation continue (Cobe Spectra, AS 104 Fresenius, Vivacel Dideco, CS 3000, Baxter) ou discontinue (Haemonetics V50, MCS ). Ces moniteurs fonctionnent en mode automatique contrôlant les débits d'extraction et de réinjection et l'administration de l'anti-coagulant qui est une solution citratée. Les débits de perfusion sont généralement < 80 ml/min et peuvent être abaissés chez le petit enfant jusqu'à 20 ml/min. Leur volume extracorporel est variable (350-150 ml), le plus faible étant celui du moniteur Fresenius.

Les séparateurs à flux discontinu sont moins bien adaptés à l'échange plasmatique en raison de l'importance du volume extra-corporel et d'une extraction plasmatique plus lente.

Les reins capillaires sont utilisés avec des moniteurs qui ont pour fonction principale l'hémofiltration. Ils sont de ce fait utilisés par les services de néphrologie ou de réanimation qui pratiquent la dialyse aiguë. Le paramètre le plus important dans ce système est la membrane micro-poreuse dont il existe plusieurs constituants (polycarbonate, polypropylène, acétate de cellulose...). Par ailleurs ces membranes diffèrent par la taille des pores variant de 0,3 à 0,5 µm, l'épaisseur de la membrane et la surface choisie en fonction du volume de plasma à épurer. Ces systèmes sont moins performants en termes d'extraction plasmatique que les systèmes de centrifugation, cet inconvénient pouvant être compensé par l'augmentation du débit sanguin. Dans cette configuration, il est souvent nécessaire de remplacer le citrate par de l'héparine sodique ou de l'héparine de bas poids moléculaire et de recourir à une voie d'abord centrale. En revanche, ces systèmes ont pour avantage l'obtention d'un plasma acellulaire, un faible volume extracorporel et un volume résiduel érythrocytaire faible.

En termes de biocompatibilité, il est reconnu que les systèmes de centrifugation activent moins les protéines et les cellules que les systèmes de filtration ; ces derniers peuvent en outre entraîner ou aggraver une hémolyse si les forces de cisaillement qui s'exercent sur les hématies ne sont pas correctement maîtrisées.

Voies d'abord 

Il est impératif de favoriser un abord veino-veineux périphérique pour éviter des complications septiques, thrombotiques ou hémorragiques. Ceci signifie un choix pertinent du matériel de séparation et une bonne formation technique du personnel. En cas d'impossibilité d'accès, la pose d'un cathéter central à double lumière — si possible tunnelisé — doit être programmée au bloc opératoire et effectuée par un médecin expérimenté. En cas de risques septiques majeurs et dans le cadre d'un protocole thérapeutique de longue durée, il est conseillé d'effectuer une fistule artério-veineuse.

Substituts de plasma

Contrairement à l'albumine, il s'agit de solutions polydispersées, c'est-à-dire constituées de molécules de poids moléculaire et d'élimination variables. Un seul colloïde — l'HEA 200/0,6;6 — possédait l'indication "échanges plasmatiques”. Leur utilisation est contre-indiquée chez la femme enceinte.

Ce sont des polymères de glucose. Ils sont d'origine bactérienne. Il existe actuellement deux solutions disponibles de poids moléculaire moyen différent : 40 000 (dextran 40) et 60 000 daltons (dextran 60). La voie d'élimination est essentiellement glomérulaire. La demi-vie varie en fonction du poids moléculaire ; 50 du dextran 40 sont éliminés en 2 heures et 80 en 6 heures ; pour le dextran 60, 50 sont éliminés en 24 heures. De même, le pouvoir d'expansion volémique initial est respectivement de 96 et 120 du volume injecté. Les réactions allergiques sont en fait les effets secondaires les plus pénalisants pour ces produits. Il s'agit de complications d'origine immunologique liées à la présence d'anticorps anti-dextrans de nature IgG qui peuvent exister à l'état naturel, c'est-à-dire avant toute injection. Enfin il existe également une toxicité rénale dose dépendante.

La gélatine est une protéine hydrosoluble artificielle obtenue par hydrolyse partielle de collagène d'origine bovine. A noter que la préparation subit une étape d'inactivation efficace concernant les agents transmissibles non conventionnels. Il existe deux types de gélatine : la gélatine fluide modifiée (GFM) et la gélatine à pont d'urée qui est un polymérisat de gélatine dégradée.

La gélatine n'est pas métabolisée chez l'homme. Quatre-vingt-cinq pour cent sont éliminés par filtration glomérulaire et 15 dans les selles. Cinquante pour cent de la dose administrée sont éliminés dans les 6 heures. Les effets indésirables sont réduits à des réactions allergiques qui seraient liées à l'activation des mastocytes cutanés avec relargage d'histamine. A côté de ces réactions non graves, il existe des chocs anaphylactiques pouvant se produire d'emblée ou après plusieurs administrations.

Les HEA sont des polysaccharides naturels modifiés extraits de maïs riches en amylopeptine. Deux types de produits qui ont été très utilisés au cours des échanges plasmatiques : une solution de poids moléculaire de 200 000 daltons en concentration de 6 avec un taux de substitution molaire de 0,62 (HEA 6 qui n'est plus commercialisée et une solution de poids moléculaire de 240 000 daltons en concentration de 6 avec un taux de substitution molaire de 0,5.

Lors de l'administration répétée pendant plusieurs jours d'HEA 200/0,6;6 un allongement du temps de céphaline activateur (TCA), une diminution du facteur VIII et du facteur Willebrand ont été observés. Les réactions anaphylactoïdes sont beaucoup plus rares qu'avec les autres colloïdes artificiels et se résument à de la fièvre, de l'urticaire, un érythème ou un flush. Elles apparaissent toujours lors des premières injections et sont exceptionnellement sévères. Le risque de thésaurismose est directement lié à l'accumulation des molécules hautement substituées. Il semble qu'il existe également des sujets à risque définis par une insuffisance rénale ou par une maladie hépatique inflammatoire (hépatite C en particulier). En effet, actuellement deux types de complications ont été observés après perfusions répétées d'HEA 200/0,6;6 : une atteinte tubulaire rénale réalisant des lésions de néphrose osmotique et un tableau d'hépatopathie avec surcharge des cellules de Küpffer. Le risque de surcharge volémique existe au cours de l'échange plasmatique dans la mesure où le patient n'est pas hypovolémique Les Résumés des Caractéristiques Produits (RCP) des HEA : HEA 240/0,5, 6 recommandent de ne pas dépasser 33 ml/kg/24 heures soit 2 500 ml pour un patient de 75 kg.

L'albumine représente 60 à 80 de la pression oncotique totale plasmatique. Seuls 30 à 40 de l'albumine échangeable sont intravasculaires. Le reste est situé dans les liquides interstitiels, l'équilibre entre les deux secteurs étant plus ou moins rapide. Chez l'adulte, la demi-vie moyenne de l'albumine est de 3 semaines. En dehors du maintien de la pression oncotique, l'albumine a un rôle important dans le transport de substances soit exogènes (médicaments), soit endogènes (bilirubine, acides gras, hormones, calcium ionisé). Les molécules d'albumine contenues dans les préparations commerciales sont dépourvues de calcium ionisé d'où le risque d'hypocalcémie lors de leur injection in vivo par resaturation à partir du pool plasmatique de Ca .

En France, il existe deux préparations commerciales à concentration respective de 4 et 20 La solution diluée à 4 est le soluté utilisé pour l'échange plasmatique.

L'utilisation de ce produit dans les échanges plasmatiques ne peut pas être comparée à celle des colloïdes. D'une part, il s'agit d'un produit sanguin labile et non d'un médicament. D'autre part son indication dans le cadre des EP ne relève pas du remplissage vasculaire mais de l'apport de protéines, soit dans le cadre de perturbations importantes préalables de la crase sanguine, soit d'apport spécifique de protéines dans le cadre d'une pathologie particulière qui est celle du purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) ou du syndrome hémolytique et urémique (SHU). Les complications spécifiques liées à l'utilisation du plasma sont de rares réactions anaphylactoïdes. Les complications immunologiques regroupent différents types de pathologies : l'œdème pulmonaire lésionnel est lié à l'injection passive d'anticorps de spécificité anti-HLA ou spécifiques du granulocyte . Il y a lieu de tenir compte de la présence de citrate non complexé au calcium dans la préparation surtout lorsque le plasma est administré à fortes doses et de façon rapide. Enfin, malgré les procédures de sécurisation du produit, il reste un risque certainement faible mais non nul de transmission d'agents infectieux.

Épuration sélective du plasma

De longue date, il est apparu souhaitable d'épurer sélectivement le plasma avec pour objectifs: d'éviter d'éliminer inutilement des protéines plasmatiques dont celles de la coagulation et l'albumine ; d'éliminer les besoins en substituts plasmatiques à la fois en raison de leur coût mais également de leur toxicité ; enfin, d'augmenter l'efficacité de l'épuration, par exemple en évitant d'épurer les HDL (High Density Lipoprotein) dans le traitement des hypercholestérolémies ou en épurant sélectivement un anticorps en espérant moduler la réponse anti-idiotypique.

L'épuration sélective des composants plasmatiques peut être effectuée par des moyens physiques, chimiques, ou immunologiques. Ces constituants plasmatiques peuvent être extraits soit par perfusion de plasma (perfusion plasmatique) ou de sang total (hémoperfusion) à travers des filtres ou des colonnes d'affinité contenant des ligands ou des immunoadsorbants immobilisés.

Ce système est basé sur la séparation préalable du plasma par centrifugation ou filtration qui est ensuite ultrafiltré sur un 2ème filtre dont le diamètre des pores est habituellement calculé pour permettre le passage de l'albumine et retenir les protéines de haut poids moléculaire, le poids moléculaire des substances pathogéniques variant de 150 000 (IgG) à 950 000 (IgM) jusqu'à 2 500 000 Da (Apo B lipoprotéines contenant les LDL (Low Density Lipoprotein) et la Lp(a)).

Il s'agit de colonnes de chromatographie d'adsorption dans lesquelles les molécules à purifier sont adsorbées spécifiquement et de façon réversible par un produit fixateur complémentaire — le ligand — qui est lui-même immobilisé sur un support insoluble, la matrice. Deux modes de capture peuvent être envisagés : soit une liaison sélective, rétention d'une famille de molécules par une liaison covalente, soit une liaison spécifique, rétention d'un seul type de molécules par une réaction antigène-anticorps. Les matrices utilisées sont le sépharose CL4B, la silice, le polystyrène, le polyvinyle alcool, le ligand pouvant être de la protéine A (système Immusorba® Gambro) ou des anticorps de mouton de spécificité anti-IgG ou anti-LDL-cholestérol (LDL-Ig-Therasorb®). Ces trois systèmes sont utilisés avec un moniteur spécifique pilotant deux colonnes qui sont alternativement régénérées pendant la procédure et en fin de traitement. Ces colonnes peuvent être réutilisées plusieurs dizaines de fois chez le même patient, ce qui permet d'amortir le coût d'investissement qui varie entre 10 670 et 16 007 € HT/paire de colonnes. En matière de biocompatibilité, ces supports sont très satisfaisants.

Ils sont basés sur le principe de colonnes d'affinité constituées de substances ayant des affinités particulières pour de nombreuses molécules. Ces systèmes ne sont donc pas sélectifs. Les deux gels utilisés en France sont constitués de sulfate de dextran de PM 5000, fixé sur des billes de cellulose (LA15® - LA40® - Kaneka) (Figure 7) et d'acide acrylamide fixé sur des particules de silice (système Dali® - Fresenius).

Ce dernier système récemment introduit en France présente l'avantage d'être utilisable sur le sang total, de ne pas nécessiter de système de régénération.

LES EP DANS LES VASCULARITES ET MALADIES APARENTÉES

Glomérulonéphrite pauci-immune rapidement progressive 

Un nombre important de malades présentant une glomérulonéphrite à croissants, pauci-immune ont une granulomatose de Wegener (WG), une polyangéite microscopique (PAM) ou une glomérulonéphrite isolée considérée aujourd'hui comme une forme localisée de vascularite. Les EP ne paraissaient pas avoir d'avantage chez les patients ayant une glomérulonéphrite pauci-immune mais un essai thérapeutique récent contredit cette assertion, notamment au cours des glomérulonéphrites des vascularites ANCA positives où les EP seraient susceptibles d'améliorer la fonction rénale plus efficacement que les bolus de corticoïdes.

Le syndrome de Goodpasture 

Le syndrome de Goodpasture se traduit par une glomérulonéphrite rapidement progressive avec ou sans hémorragie alvéolaire associée. Elle est associée à la présence d'anticorps anti-membrane basale glomérulaire. Sous corticoïdes et immunosuppresseurs, le pronostic reste mauvais. L'adjonction d'EP a montré son efficacité et permettent de décroître les anticorps anti membrane basale et la créatininémie. Les EP sont le traitement de choix du syndrome de Goodpasture, en association avec le cyclophosphamide. Lorsque la créatininémie est > 600 ?mol/l, les EP peuvent être inefficaces sur la fonction rénale mais ils restent le traitement de choix de l'hémorragie alvéolaire. Des EP quotidiens, épurant 60 ml/kg, remplacés par de l'albumine 4 sont recommandés durant 14 jours.

Les vascularites systémiques

Les EP sont avant tout indiqués dans les formes associées à une infection virale par le VHB (294).

PAN due au VHB — Le traitement de première ligne doit être l'association d'antiviraux et d'EP. La plupart des malades peuvent ainsi être guéris en 2 à 3 mois et un arrêt de la réplication virale est obtenu dans plus de la moitié des cas.

Place des EP dans le traitement des angéites nécrosantes, - Alors que les EP ont une indication formelle dans les PAN dues au VHB, ils ne sont pas indiqués de première intention dans les vascularites déjà traitées par les immunosuppresseurs et les corticoïdes. Les formes sévères ne relèvent pas non plus des EP. En deuxième ou troisième intention, les EP peuvent avoir leur place.

Le traitement doit être l'association de CS et de CYC. Les EP ne paraissent pas avoir de place de première intention. Certains ont montré l'efficacité des EP chez les malades ayant une insuffisance rénale.

Les EP sont fréquemment proposés dans la stratégie thérapeutique des cryoglobulinémies. Dans les formes de type I, les EP peuvent être utiles, en association avec les immunosuppresseurs. Ils ne doivent pas être utilisés seul en raison du risque de phénomène de rebond survenant à l'arrêt des EP.

Les cryoglobulinémies de type II et III sont, dans la plupart des cas dues à une infection par le VHC, qui est retrouvé dans plus de 80des cas. La cryoglobulinémie VHC est une vascularite affectant les petits vaisseaux. Elle est la conséquence du dépôt de complexes immuns. La biologie montre la présence de facteur rhumatoïde, d'une baisse de la fraction C4 du complément, et, dans les types II d'un composant monoclonal, habituellement IgM kappa, alors que les globulines sont polyclonales dans le type III. La plupart des malades atteints de cryoglobulinémie due au VHC sont asymptomatiques et le traitement ne s'adresse qu'aux malades présentant des manifestations cliniques. Les EP sont indiqués en cas de neuropathie sévère, de glomérulopathie, d'ulcères artériels étendus etc.… . Les EP sont utiles en association avec l'interféron alpha et la ribavirine. Nous recommandons 3 EP par semaine durant 3 semaines, puis 2 EP par semaine les semaines suivantes puis 1 EP toutes les semaines, voire moins selon la réponse thérapeutique obtenue. Les récidives sont fréquentes. Aujourd'hui, les indications des EP dans les vascularites des cryoglobulinémies pourraient être supplantées par les anticorps monoclonaux anti-CD 20. Une comparaison soigneuse des avantages et inconvénients de chacune de ces techniques de traitement doit être soigneusement évaluée.

CONCLUSIONS

Les EP sont aujourd'hui un des moyens thérapeutiques dont la technologie s'améliore mais dont les indications sont réduites. Toutefois, bien située dans la stratégie thérapeutique d'un certains nombres de maladies, les EP sont d'un apport majeur. La tolérance des EP est globalement bonne et le traitement est souvent ambulatoire.

LOIC GUILLEVIN, ANNETTE BUSSEL, FARHAD HESHMATI

Service de Médecine Interne, Unité de Médecine transfusionnelle, Hôpital Cochin, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 PARIS

REFERENCES

Guillevin L, Pagnoux C. Indications of plasma exchanges for systemic vasculitides. Therap Apher Dial. 2003;2:155-60